Une maman m’a récemment écrit pour me demander : « Est-ce okay de hausser la voix (sans crier) face à notre enfant de 14 mois qui s’approche d’un danger comme une source de chaleur ou une prise ? »
J’ai eu très envie de prendre le temps de partager une réponse approfondie, car à travers cette question, nous allons pouvoir parler d’exemplarité, de comment poser des limites avec bienveillance, et de perfectionnisme parental.
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1. Perfectionnisme parental vs. parent “suffisamment bon”
A travers cette question, quelque chose me frappe, et que je retrouve aussi beaucoup en situation d’accompagnement (et dans Familles Apaisées) c’est à quel point les parents de jeunes enfants, qui ont conscience des enjeux de développement de l’estime de soi, et du bien-être de leurs enfants, veulent bien faire, et finissent par se mettre beaucoup de pression. Malheureusement, cette pression est parfois nourrie par les discours de pros de l’éducation qui, pensant bien faire, théorisent de manière (à mon sens) un peu hors sol, c’est à dire déconnectée du terrain, et de la vraie vie des parents, des familles, et même en allant à l’encontre des études qui, lorsqu’on prend de la hauteur, montrent la complexité de la relation parent-enfant. J’ai par exemple entendu un parent me partager qu’une pro de la parentalité lui avait dit que froncer les sourcils est une violence éducative, et qu’il faudrait éviter au maximum de froncer les sourcils.
Du coup j’ai envie d’apporter un peu de nuance, et je l’espère de clarté aussi.
Les enfants ont besoin de sécurité. Et la sécurité repose sur un cadre, des limites, et une présence attentive et bienveillante, c’est à dire qui part du principe que l’enfant est compétent et une bonne personne. Ce qui crée aussi de la sécurité, c’est la confiance dans la relation, et pour avoir confiance dans la relation, bien sûr on souhaite que l’enfant puisse se tourner vers son parent en cas de besoin, c’est la base de la théorie de l’attachement : quand je me sens en danger, stressé, dérégulé, hop, je reviens sur ma base de sécurité, qui est mon parent. Et le parent répond en apportant sa présence, son écoute et éventuellement des solutions pour aider l’enfant à se réguler (faim, soif, sommeil, etc…).
Mais que se passe-t-il si le parent est stressé non seulement parce qu’il a eu une dure journée, mais aussi parce qu’il a constamment peur de mal faire, et de blesser son enfant, par ses gestes, par ses mots, et même par ses froncements de sourcils ? Que se passe-t-il si le parent se surveille en permanence, et met toute son énergie à être un parent parfait : qui ne montre aucune autre émotion que le calme et la joie ?
- d’abord, dans une situation pareille, l’enfant n’apprend pas comment “bien” se mettre en colère (et éventuellement comment s’excuser)
- il n’apprend pas comment “bien” poser ses limites
- il n’apprend pas comment réagir face aux dangers
- il ne modélise pas toutes ces émotions
Mais en plus, comme c’est tout bonnement impossible de ne jamais ressentir d’irritation, de frustration, de colère, de déception, de fatigue, etc… et bien le parent se met une grande pression pour essayer de masquer tous les marqueurs physiques de ces émotions, qui sont juste humains, et inévitables, comme : changer de tonalité de voix, froncer les sourcils, etc… Pire, le parent essaye de devenir un parent parfait, lisse et sans relief, alors que les études démontrent aujourd’hui que ce perfectionnisme parental augmente l’anxiété des enfants, et les rend à leur tour extrêmement exigeants envers eux-même ! (Et oui, ils modélisent en nous voyant faire !).
- il pense qu’il doit lui aussi contenir toutes ses émotions
- et que le moindre raté peut décevoir son parent
- ce qui signifie en langage d’enfant que son parent l’aime un peu moins
Malgré nous, en cherchant à bien faire, le perfectionnisme parental amène l’enfant à internaliser que l’amour de son parent est conditionné, et qu’il doit lui aussi être parfait et ne jamais exprimer sa colère, sa frustration, sa déception, etc…
Les enfants ont donc plutôt besoin d’un parent “suffisamment bon”, comme l’a théorisé Winicott, en psychologie du développement, c’est à dire un parent imparfait mais présent, ajusté, capable de réparer les ratés.
Et je dirais pour ma part un parent qui priorise la relation, la connexion, et qui est congruent.
2. Viser la connexion, la congruence et la non-violence
La congruence, c’est notre capacité à dire ce que l’on pense, ce que l’on ressent, et à faire ce que l’on dit. Plutôt que d’essayer de rester calme et de ne pas hausser la voix quand notre enfant est face à un danger, on va donc :
- avoir une réaction adaptée au danger
- on peut dire qu’on a peur
- on adapte le discours et les gestes à la situation, et au degré de maturité de l’enfant
Le tout est de le faire sans violence : si en avertissant l’enfant du danger il ne réagit pas, parce qu’il est encore trop jeune pour comprendre le danger, on va peut-être hausser un peu le ton, pour ajuster nos modulations vocales sur notre message, mais il se peut que là encore l’enfant n’y réagisse pas, donc plutôt que de crier, on va utiliser une limite physique, en prenant notre enfant dans nos bras (quitte à ce que ça le frustre), ce qui nous permet, en parallèle, de lui parler sans crier, parce qu’on agit de manière ajustée à la situation.
Ici, la posture bienveillante, c’est de réaliser que si l’enfant de 14 mois ne réagit pas à notre avertissement, ce n’est pas par provocation, donc ça ne sert à rien d’avertir plus fort, c’est juste parce que son désir d’explorer le monde est plus fort que sa capacité du moment à faire le lien entre nos paroles et ce qu’il est en train de faire. Donc plutôt que de hausser le ton de plus en plus fort jusqu’à en venir à crier, ce qui nous fait basculer dans la violence, on va tout simplement prendre l’enfant, en lui expliquant simplement “non non, on ne s’approche pas des prises, c’est dangereux, on peut se faire très mal” et lui proposer un autre jeu d’exploration.
Ici on a maintenu la connexion avec l’enfant, on est dans la congruence (on a agit en cohérence avec notre émotion de peur, liée au danger) et on reste dans la non-violence, parce qu’on place une limite protectrice pour l’enfant, sans cri, sans menace, sans punition. Ça ne veut pas dire que l’enfant ne sera pas frustré, il le sera peut-être, mais si c’est le cas, on va l’aider à traverser ce moment : “Mais oui, je comprends que ça te frustre, c’était rigolo ton jeu, tiens regarde, on va faire l’avion, attention, prêt…. décollage!!!”.
3. Modéliser la réaction face au danger / poser des limites
On sait que nos enfants apprennent avant tout par mimétisme et répétition, donc ici, une très bonne façon de se demander si c’est okay de hausser le ton, c’est de se demander : est-ce que ma réaction correspond à la réaction que j’aimerais que mon enfant ait ? Comment je voudrais que mon enfant réagisse face à un danger qui le menace, par exemple un autre enfant qui s’approche de lui avec un gros bâton et l’envie de lui prendre son jouet
—> on ne voudrait pas qu’il soit passif et juste “gentil”
—> on ne voudrait pas non plus qu’il se mette à crier et taper l’enfant en premier
On modélise comment on voudrait que notre enfant réagisse et pose ses limites :
- on voudrait qu’il prenne conscience du danger potentiel
- qu’il pose une limite claire et ferme : qu’il dise par exemple “Non, tu ne tapes pas” de façon claire à l’autre enfant
- et qu’il le fasse sans violence mais en cohérence avec la situation réelle
C’est donc aussi comme ça qu’on va essayer de réagir :
- avec une limite claire et ferme, et une attitude cohérente par rapport au danger
- mais sans violence
Pour conclure
💡 Hausser le ton n’est pas en soi un acte violent.
Ce qui compte, c’est l’intention, le contexte, la manière.
Nos enfants ont besoin d’un parent réel, vivant, humain — pas d’un robot parfaitement calme en toutes circonstances.
Alors oui, nous pouvons hausser le ton.
Nous pouvons froncer les sourcils.
Nous pouvons être inquiet·ète, et poser une limite.
Et nous pouvons ensuite réparer, rassurer, et reconnecter.
C’est ça, être un parent “suffisamment bon”. Et c’est déjà beaucoup.
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