Vous avez été plusieurs à me demander des retours sur ce petit livre de Cornelia Enning, publié chez Le Hêtre Myriadis, aussi je me suis dis que vous faire un petit article à son sujet pouvait vous permettre de profiter collectivement de ce retour. 😊

L’autrice de ce livre est une sage-femme allemande qui accompagne les naissances aquatiques à domicile et développe une approche holistique de son métier (elle est notamment formée à l’anthroposophie en tant qu’éducatrice Steiner-Waldorf). Elle écrit ce petit ouvrage court mais dense qui présente à la fois une dimension philosophique et scientifique du placenta. Dans les dernières pages, elle propose également des recettes à usage domestiques pour utiliser son placenta : baume, pommade, teinture-mère, soupe, émulsion … Bon à savoir : certaines recettes seront plus difficiles à réaliser en France car la législation et l’accès à certains produits ne sont pas les mêmes que pour nos voisins allemands.

 

Emma Jean Photography

Alors que dire de ce livre ? Pour ma part, j’ai été très touchée par l’aspect philosophique proposé : même si j’étais ouverte aux différentes pratiques qui entourent le placenta, mon regard a encore évolué avec la lecture de ce livre. Il émane de la vision qui est partagée par Cornelia Enning une forme de révérence envers cet organe qui paraît pouvoir guérir tous les maux, et surtout (disons surtout pour moi, puisque c’est mon sujet !), qui accompagne la vie intra-utérine de tous les petits humains à naître. Le placenta y est présenté comme un organe mais aussi la première « vision » que nous ayons en tant que bébé : cette fameuse image d’un arbre qui, ramené à la taille du bébé en développement, apparaît comme immense et englobante – et à laquelle il est relié par son cordon. Dans l’univers intra-utérin du fœtus, le placenta est finalement le premier élément de découverte, rompant avec la vision « uniforme » de l’utérus qui entoure le bébé, un peu comme un immense coussin brodé d’un arbre au milieu d’une pièce ronde à la peinture unie.

J’ai trouvé cette vision vraiment intéressante car au final, même si j’avais déjà lu que le placenta était souvent considéré comme le jumeau du nouveau-né, et honoré comme tel, toute l’approche du placenta qui a pu m’être transmise jusque-là était centrée sur la vision que nous en avons en tant qu’adulte. Pourtant, ce sont bel et bien les bébés qui côtoient leur placenta pendant 9 mois et forcément leur vision, l’échelle de perception, le contact tactile avec leur placenta, bref toute leur perception est bien différente que celle que nous pouvons avoir lorsque nous découvrons un placenta, que ce soit celui de notre bébé, ou celui d’un bébé dont nous accompagnons la naissance.

Enfin plus personnellement, ayant un amour immodéré pour les arbres, dont la présence m’a toujours énormément apaisée et régénérée, je ne peux que me projeter et me sentir entrer en résonnance avec cette vision d’un arbre originel qui est en fait la vision de notre propre placenta. C’est très rassérénant pour moi de m’imaginer petite fœtus « auprès de mon arbre » durant les 9 mois de ma vie intra utérine !

 

Fikriyela

J’ai trouvé passionnante toute la partie consacrée aux rituels qui entourent le placenta, les croyances qui s’y rattachent, la façon dont cet organe est traité et vénéré dans toute l’histoire de l’humanité. J’avais déjà de belles connaissances sur le sujet, qui se sont affinées avec ce livre. Savoir qu’à notre époque moderne de capitalisme et patriarcat les placentas des bébés sont tout bonnement jetés aux ordures me sidère. Même lorsque le placenta n’est pas propre à la consommation (lorsque la future maman a reçu certains traitements chimiques, consommé de la nicotine ou d’autres drogues, lorsque la naissance a été médicalisée avec de l’ocytocine de synthèse ou une césarienne), nous pouvons l’honorer, lui rendre hommage (femmage serait d’ailleurs plus juste 😉 ) pour tout ce qu’il a accompli pour notre bébé, et pour avoir été la première vision de notre bébé. Ça semble tellement évident, tellement couler de source, que le fait que nous nous soyons déconnectés de cette perception du placenta est pour moi un signe de plus de notre déconnexion à l’ensemble du vivant. Il y a pour moi d’ailleurs de grands parallèles entre le traitement que nous faisons des placentas et celui que nous faisons de notre sang menstruel. Remettre ce qui émane de l’utérus des femmes à la terre plutôt qu’aux ordures (ce que nous ne consommons pas) serait une belle étape pour remettre du bon sens dans nos existences et fertiliser la terre que nous habitons. C’est finalement un geste qui contient une symbolique puissante, mais aussi une réalité que la science moderne confirme : nos terres sont de plus en plus minérales à cause de la façon dont notre mode de vie les traite. Nous devons absolument refertiliser nos sols, et tout ce qui va dans ce sens est bon à prendre (depuis le compost maison jusqu’à la permaculture !), or le sang menstruel tout comme les placentas ont une richesse incroyable de fertilisation ! Voilà une vision holistique de la naissance et de notre cycle, qui vient englober jusqu’à la planète entière, tout en apportant cet esprit de révérence aux placentas de nos bébés !

Emma Jean Photography

Pour toute l’approche plus scientifique, j’ai trouvé plus ardue la lecture, et probablement également parce qu’elle me concerne peu, aussi bien dans ma pratique que dans ma vie personnelle, même s’il est passionnant de savoir que le placenta permet tant d’usages thérapeutiques, à tous les âges de la vie !

Et pour finir la partie recettes, qui est assez courte finalement mais donne des bases et une approche domestique, je pense que tout n’est pas réalisable et pour ma part ça manquait un peu d’éléments pragmatiques comme quelle partie du placenta prélever ? Comment enlever les membranes ? Peut-on pratiquer le placenta lotus (peu abordé) et consommer son placenta ? Les réponses sont égrenées au fil des pages mais pas vraiment rassemblées de manière pragmatique au moment des recettes, ce qui me donne le sentiment qu’une personne totalement novice serait peut-être un  peu perdue et désemparée si elle avait seulement ce livre en mai  et son placenta frais à transformer en remède consommable par la maman. Ce manquement relève peut-être aussi du fait que ce livre n’est pas vraiment « moderne » (je ne trouve pas son année de première édition en langue allemande) bien que contemporain, du moins dans sa construction (on ne trouve aucune illustration ni photo par exemple, ce qui aurait pu apporter une dimension magnifique et pratique !). 

Dallasarthurbirthstories

Cela dit, vu le peu de recueils et ouvrages que nous avons (spécialement en langue française) sur le placenta, ce livre reste un incontournable pour toutes celles et ceux qui s’y intéressent, et nous invite à creuser d’avantage les aspects qui nous intéressent plus directement, nous ouvrant un nouveau regard, un nouvel horizon de compréhension de cet organe que nous avons toutes et tous connu intimement puis oublié,  et de la consommation du placenta pour l’usage préventif au sein des familles, aussi bien pour la maman, le bébé que pour les autres membres de notre famille !

Un livre à découvrir et avoir chez soi pour les doulas et sages-femmes et accompagnantes du féminin et peut-être à se faire prêter pour les parents !! 😊

 

 

___________________

 

Découvrez les transmissions pour les doulas et accompagnantes du féminin, des évènements en ligne et en présentiel, ICI.

 

 

kristelle cardeur karma mamas doula massage avignon formation

La Lettre des Parents

Restons en lien

2 lundi par mois, je t’envoie des réflexions, outils, partages et nouveautés autour de la parentalité et de la naissance.

Hâte de te retrouver dans ta boîte mail !

Je m'abonne à la newsletter