Bonjour à toutes et à tous,
Aujourd’hui je souhaiterais vous parler non pas de maternité, de femmes enceintes, de femmes qui accouchent, de femmes qui vivent les premiers mois de vie avec leurs bébés, mais d’autres femmes, ces femmes auprès des femmes, auprès de nous, qui veillent sur nous, font nos suivis de grossesse, sont présentes à la naissance de nos enfants, nous guident à travers les premiers moments de vie de nos bébés, et nous accompagnent encore dans le post-partum, autour de nos périnées.
Ces femmes qui peuvent d’ailleurs suivre toutes les femmes, qu’elles soient enceintes ou non: jeunes filles réglées, contraception des femmes, santé génitale, ménopause, maternité.
Ces femmes dépositaires d’un savoir médical et parfois traditionnel, qui restent souvent (trop) dans l’ombre des gynécologues, et qui pourtant sont ou devraient être au cœur de la santé des femmes.

 

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Sage-femme vs gynécologue

Alors d’abord pourquoi une sage-femme, et pas une gynécologue? Et bien contrairement aux apparences, les sages-femmes et les gynécologues pratiquent deux métiers différents, car si elles s’occupent toutes les deux de la santé des femmes, l’une le fait sous l’angle de la pathologie, l’autre sous l’angle de la physiologie. De cette façon, elles ne s’opposent absolument pas, mais se complètent au contraire. Concrètement, cela veut dire que les sages-femmes s’occupent des femmes en bonne santé, quand le corps fonctionne bien, quand tout est dans la physiologie, tandis que les gynécologues s’occupent des femmes pour lesquelles quelque chose ne fonctionne pas comme prévu, quand une pathologie apparaît, quand on a décelé un véritable risque médical.
Enfin ça c’est la théorie, car malheureusement, nous sommes encore peu nombreuses à connaître cette distinction et à nous orienter dès notre adolescence vers des gynécologues plutôt que vers des sages-femmes.

Pourquoi cette distinction est-elle si importante? Et bien parce qu’aller chez le médecin quand on n’est pas malade, c’est s’assurer de repartir malgré tout avec une ordonnance pour des médicaments et des examens « au cas où »! Vous voyez ce que je veux dire?
Plus sérieusement, les gynécologues sont formées à déceler les problèmes, les pathologies, donc forcément, elles voient le corps des femmes à travers ce prisme, ce filtre qu’a créé sur leur regard leurs années d’études, et par conséquent, lorsqu’on consulte une gynécologue, elle se concentre en priorité sur les risques physiques et les maladies du corps, pour les femmes et les bébés. Et c’est très important que nous ayons des gynécologues bien formées, nombreuses et compétentes pour cela, car quand quelque chose ne va pas dans notre santé génitale, il est primordial d’être bien prise en charge, bien soignée, et bien accompagnée.

Mais quand tout va bien, pourquoi ne pas consulter une professionnelle de santé spécialiste du corps de la femme qui fonctionne normalement?
D’une certaine façon, le fait que nous nous tournions d’emblée vers une gynécologue, démontre d’une part que nous ignorons beaucoup de choses du métier de sage-femme, mais peut-être aussi, dans une forme de grand inconscient collectif, que notre santé de femme est perçue comme problématique, même quand tout va bien. Que notre cycle, nos grossesses, nos enfantements sont d’emblée des difficultés à « traiter », un corps qu’il faut soigner, surveiller, guérir… de sa condition de femme! On ne va d’ailleurs pas chez une gynécologue pour apprendre à connaître notre cycle, mais pour éviter de tomber enceinte, ce qui est très différent! (Et les deux sont ok, mais vous percevez bien la nuance je pense!).
Qu’en pensez-vous? C’est ce que cela m’évoque pour ma part.

Un point pratique

→ Une consultation chez une sage-femme coûte moins cher et dure en général plus longtemps qu’une consultation chez une gynécologue, et, puisqu’elles ne sont pas focalisées sur la recherche de pathologie, elles peuvent aussi se mettre à l’écoute non seulement de notre corps, mais aussi de notre mental, et vous savez comme je pense qu’on ne parle assez de la santé mentale des futures et jeunes mamans! Quelle que soit la professionnelle de santé que vous choisissez, il est vraiment important que cette personne soit pour vous une personne de confiance, qui vous rassure. J’en parle largement dans le KarmaMa Book, mon e-book gratuit pour une grossesse sereine, que vous pouvez vous procurer ici!

Sages-femmes en structure ou en libéral

Tout comme les gynécologues, les sages-femmes peuvent donc pratiquer au sein des hôpitaux et des cliniques, ou faire le choix de travailler en libéral. Qu’elles pratiquent dans l’un ou l’autre de ces cadres, elles sont toutes formées à l’accouchement, et d’ailleurs si vous faîtes le choix d’enfanter à la maternité ou en clinique, les professionnelles de santé qui seront à vos côtés durant tout le travail seront les sages-femmes: la gynécologue n’est présente qu’au tout dernier moment (qu’on appelle joliment « l’expulsion »), pour pratiquer une éventuelle épisiotomie, ou employer des ventouses ou des forceps. Elle est là pour pratiquer des gestes médicaux, si l’expulsion ne va pas assez vite selon le protocole de l’hôpital.

Certaines sages-femmes qui travaillent en libéral, formées comme leurs consoeurs à l’accouchement pratiquent ce que l’on appelle le suivi global. Cela signifie qu’elles offrent aux futurs parents la possibilité de les suivre pour toute la grossesse, pour la naissance, et pour le post-partum. Pour les parents, et pour les futures mamans en particulier, ça implique donc que plutôt que d’avoir différentes professionnelles de santé à différents moments, il y a un suivi cohérent, construit, dans lequel s’établit une véritable relation de confiance, d’autant plus, évidemment, si c’est une sage-femme que l’on connaît déjà, parce qu’elle suivait déjà notre santé avant la grossesse. Le but est d’avoir auprès de soi une professionnelle de santé qui soit pour nous une vraie référence, un vrai soutien, une personne qui connaisse notre histoire, l’histoire de cette grossesse, et qui puisse être à nos côtés au moment de la naissance. En France, nous pouvons faire le choix de ce suivi global, en accouchant à domicile ou en plateau-technique, avec notre sage-femme.
Si cela vous intéresse, je pourrais reparler de ces choix plus largement dans un prochain article.

 

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Pour en revenir aux sages-femmes, il est important de savoir que celles qui offrent cette belle possibilité aux parents qu’elles suivent, sont dans une double injonction et subissent par conséquent une très forte pression, à plusieurs niveaux. Pour faire simple, elles ont légalement le droit de pratiquer des naissances à domicile, MAIS, pour cela, il leur faut souscrire à une assurance professionnelle dont les tarifs sont complètement inabordables pour leurs revenus! Aucune sage-femme libérale pratiquant les accouchements ne peut souscrire réellement à cette assurance, et elles sont donc maintenues volontairement dans l’illégalité, alors que nous, parents, avons le droit de faire appel à elles. C’est subtil hein? Nous avons le droit de faire nos choix de naissance, nos libertés ne sont pas restreintes, les sages-femmes ont le droit de pratiquer, leurs libertés ne sont pas restreintes, MAIS, à cause de cette obligation d’assurance, elles sont malgré tout, dans l’illégalité. Leurs consœurs des hôpitaux et des cliniques, qui pratiquent également des accouchements, ne sont pas dans l’obligation de souscrire à cette assurance (ce qui leur serait tout autant impossible d’ailleurs). Pourquoi, dans ce cas, n’y a-t-il pas un changement législatif qui prendrait en compte la spécificité des sages-femmes libérales, en exigeant qu’elles souscrivent à une assurance professionnelle adaptée à leurs revenus?
C’est la demande portée par de nombreuses associations de défenses de droit à l’accouchement à domicile, mais qui n’a jamais pu aboutir jusque là.

De la même manière, les sages-femmes qui offrent aux parents la possibilité d’enfanter chez eux, ou en plateau technique, sont régulièrement mises sous pression par certaines autres professionnelles de santé, voire leurs collègues elles-mêmes: sages-femmes, gynécologues, anesthésistes, puéricultrices, médecins généralistes etc… qui, à travers un discours anti-accouchement à domicile, fragilisent à la fois les parents qui s’orientent vers ce choix, et les professionnelles qui les suivent.
Encore une fois, je ne souhaite pas parler dans cet article du choix d’accoucher chez soi (je pourrais en parler d’avantage une prochaine fois), je voudrais simplement formuler que lorsque des parents font ce choix, plutôt que de tenter de les décourager, de les effrayer ou de les culpabiliser (tout en maintenant cette option légale!), il pourrait être beaucoup plus intéressant de s’assurer qu’ils soient bien suivis, en soutenant les professionnelles qui sont justement les premières intervenantes auprès d’eux! Au lieu de cela, les sages-femmes libérales qui « font des accouchements »sont au mieux entourées d’indifférence et d’ignorance, au pire attaquées en justice par leurs propres consœurs, à travers l’Ordre des Sages-femmes. Cette entité censée trancher avec justice lors de plaintes de patientes ou de consœurs est malheureusement parfois juge et partie, puisqu’il s’agit forcément de sages-femmes ayant elles-mêmes leur opinion « pour ou contre » l’accouchement à domicile.

Pour résumer: une sage-femme mise en jugement devant l’Ordre des sages-femmes peut se retrouver (beaucoup) plus lourdement sanctionnée, selon qu’elle pratique ou non les accouchements à domicile, en fonction des a priori de la personne qui portera le jugement.
Il faut alors à cette sage-femme un énorme soutien de la part de sa patientèle (les parents qui lui font confiance et la soutiennent), et éventuellement d’autres professionnelles, mais dans notre contexte français où elles sont si peu nombreuses, si dispersées, et avec la nécessité de continuer à travailler (pour faire face aux frais de justice et frais courants de cabinet), une plainte qui pourrait être « facilement » classée sans suite, se retrouve finalement à devenir un parcours de la combattante, pour l’unique raison qu’il s’agissait d’un accouchement à domicile, et non en maternité (où la sage-femme n’aurait même pas été inquiétée). C’est le cas de ma propre sage-femme, comme de beaucoup d’autres sages-femmes pratiquant les naissances à domicile dont rares sont celles qui n’ont pas été au moins une fois menacée ou attaquée de cette façon.

Mais pourquoi toute cette pression sur nos sages-femmes, quand dans d’autres pays européens, l’accouchement à domicile est perçu comme la norme, ou une option parmi tant d’autres? Ou pourquoi ne pas clairement l’interdire, si cela est perçu comme véritablement trop dangereux? Il y a là un double message, qui laisse un statut quo s’installer et perdurer, donnant d’une main le droit de faire nos choix en matière de naissance, punissant de l’autre les professionnelles qui nous permettent de les faire, de la manière la plus sécure possible, justement.
Tout cela nous conduit dans une impasse où les sages-femmes osent de moins en moins pratiquer le coeur de leur métier, et où les parents qui font le choix d’accoucher chez eux, ne trouvent plus de sages-femmes pour les accompagner, et peuvent donc décider d’accoucher tout simplement sans professionnelle de santé à leur côté. (Et l’on pourrait dire également que certains reviennent alors sur leur décision et vont accoucher en maternité, mais pour ma part, je ne pense pas que ce soit là une option plus satisfaisante, car accoucher à contre-coeur dans un endroit où l’on ne souhaitait pas être, nous conduit à accoucher « à contre-corps », ce qui représente également un risque, au cours du processus subtil de la naissance.)

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Que pouvons-nous faire alors?

→ Et bien d’abord nous pouvons commencer par valoriser d’avantage le métier de sage-femme, en se faisant suivre dans notre vie de femme et de mère, par ces professionnelles de santé, quand tout va bien, et en amenant nos jeunes filles les rencontrer plutôt qu’une gynécologue, en recommandant nos bonnes sages-femmes à nos amies, nos cousines, nos grands-mères etc!

→ Signer les deux pétitions suivantes, l’une qui concerne l’assurance des sages-femmes, l’autre qui concerne l’Ordre des Sages-femmes, dans le but de permettre aux sages-femmes de s’assurer correctement, et de les soulager de la menace qu’elles subissent à travers les jugements d’opinion de leurs consoeurs.

→ Se rapprocher de collectifs de défense de droit à l’accouchement à domicile, de défense du choix de l’accouchement, du Syndicat National des sages-femmes pour l’accouchement à domicile, etc… même si l’on souhaite soi-même accoucher en maternité: il s’agit de la garantie de nos libertés féminines collectives, car nos soeurs, nos cousines, nos amies, nos filles doivent pouvoir choisir d’accoucher où elles le souhaitent, et pouvoir le faire en toute sécurité, bien accompagnées.

→ Se renseigner sur les processus physiologiques de nos corps, nos cycles, nos grossesses, nos enfantements, nos retours de couches, nos périnées, nos utérus, nos ménopauses, nos vagins, etc… A travers le blog Karma Mamas par exemple, mais aussi dans vos lectures papier! Mieux nous connaissons le fonctionnement de nos corps, mieux nous sommes à mêmes de faire nos choix, dont les sages-femmes font nécessairement partie! Même si vous ne faîtes pas personnellement le choix d’accoucher à domicile, plus vous en saurez sur l’accouchement physiologique (et au fond l’accouchement à domicile c’est « juste » ça), mieux vous serez préparée aussi à un accouchement en structure médicale.

→ Se renseigner sur les pratiques médicales qui entourent la grossesse et la naissance, à l’occasion par exemple de la rédaction d’un projet de naissance. Pour cela, informez-vous, lisez, écoutez, naviguez sur le net, faîtes vos recherches et faîtes-vous votre opinion! Je vous recommande par exemple le site hyper documenté de Marie-Hélène Lahaye, Marie accouche-là.

Au final, soutenir les sages-femmes qui pratiquent les accouchements à domicile, c’est soutenir le droit pour chaque femme, de choisir où et avec qui elle veut enfanter. Et ça, il me semble que c’est très féministe, et tout simplement très humain, car autour d’une femme qui accouche, il y aussi cet enfant à naître, ce père, cette famille, les aînés, les grands-parents, etc… On a donc plutôt envie que tout se passe au mieux pour tout le monde, non?

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Voilà, j’espère que cette longue lecture vous aura plu et vous aura ouvert des perspectives pour vos propres suivis de grossesse, et une meilleure connaissance des sages-femmes et de leur situation particulière.
Je vous dis à très bientôt sur les réseaux sociaux, n’hésitez pas à partager cet article, et à vous abonner aux Mots Doux, la newsletter de Karma Mamas! ↑↑↑
Et prenez bien soin de vous!
Kristelle

Ps. Vous avez peut-être remarqué que j’ai toujours parlé des professionnelLES de santé, et que j’ai modifié l’opposition de genre LA sage-femme, LE gynécologue. J’ai constaté, en commençant à écrire cet article, que cette opposition conventionnellement acceptée, et que l’on retrouve partout (dans toutes les bouches, dans toute la littérature sur la maternité etc), cette opposition me gène car elle est tellement acceptée, intégrée. Personnellement, cela me gène beaucoup qu’il y ait une forme de « hiérarchie » entre les sages-femmes et les gynécologues, et que l’un soit généralement identifié comme un homme, l’autre comme une femme. Je trouve que ça en dit long, et, bien que cela ne soit pas un hasard, mais au contraire le fruit de l’histoire de l’obstétrique moderne, je voulais le mettre en évidence à ma façon, en féminisant le métier de gynécologue dans cet article.
De ça aussi, je pourrais en parler plus longuement dans un autre article si cela vous intéresse! A très bientôt!

 

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