Aujourd’hui, une maman que j’accompagne en postnatal m’a téléphoné, et nous sommes restées ensemble 40 minutes au téléphone. Aujourd’hui, je vous partage un article assez différent de ceux que j’ai l’habitude d’écrire, mais je le trouve nécessaire, car aujourd’hui je suis en colère, et ma colère va sans doute vous étonner: je suis en colère contre l’éducation « bienveillante », dans le contexte sociétal qui est le nôtre.  Je suis en colère contre cette société où l’on sait nous dire quels sont les besoins des bébés et des bambins, mais où rien n’est mis en place pour soutenir celles qui sont aux premières lignes pour répondre à ces besoins. Je suis en colère contre cette société à l’organisation si minable qu’une femme à peine remise de son accouchement se retrouve à gérer son bébé et ses enfants en bas âge, sans partenaire à la maison car celui-ci a dû reprendre le travail, et sans grands-parents car « nos vieux » sont encore au travail – et c’est pas près d’aller dans l’autre sens. Je suis en colère contre le patriarcat et le capitalisme qui organise le postnatal des femmes et des enfants de manière si inconsidérée que le taux de dépression postnatal devrait nous affoler, et je suis en colère contre tout ce qui se joue autour de l’éducation bienveillante, qui ne parle que de l’enfant et jamais de ce que peut vivre réellement la mère de ces enfants.

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Alors oui, ce n’est pas politiquement correct, mais je me mets à détester l’éducation bienveillante. Je suis colère qu’on puisse faire croire aux femmes que c’est réalisable d’être cette mère parfaite toujours douce, accueillante, prête à servir ces enfants.
Moi, je suis doula, et je vois des femmes en dépression postnatale, à peine remise de la naissance, s’épuiser jusqu’à la moelle pour coller à cette image de mère que l’on nous martèle dans les livres, sur les réseaux sociaux, dans les groupes sur la parentalité etc… Je vois des mères au bout du rouleau, avec leur bébé de quelques semaines ou quelques mois, leurs enfants plus grands à accompagner avec toujours autant d’exigences envers elles-mêmes et leur parentalité, et zéro soutien concret alentour. Je vois des mères pleurer, me dire qu’elles craquent, que c’est si dur, et m’avouer qu’elles se demandent parfois si il ne serait pas plus simple de passer par la fenêtre. Ces femmes viennent de milieux où l’on accès à l’information, où l’on va chez des psys, des thérapeutes, des ostéos, des consultantes en lactation… Mais ces femmes sont seules, et jamais, à aucun moment, quelqu’un ne leur dit stop. « Stop, ce que tu fais est inhumain ». Je vois des mères, allaiter leur bébé, prendre soin des aînés, dormir par tranches de 2h, sauter un repas sur 2, se doucher un jour sur 3 et continuer d’avoir ces exigences envers leur parentalité, parce que c’est ça être une bonne mère, c’est ce qui est martelé partout où ces mères extrêmement bien informées posent les yeux.

Alors aujourd’hui, si vous me lisez, et que vous avez une forte visibilité auprès des parents, et spécialement des mères, de par votre compte instagram, ou parce que vous êtes autrice, ou professionnelle de la parentalité, ce message est pour vous, en toute bienveillance. S’il vous plaît, vraiment, ne perdez pas de vue que le PREMIER des facteurs de bien-être d’un bébé et d’un bambin, c’est le bien-être de sa mère. En fait, on ne peut pas dissocier l’un de l’autre, car l’un EST l’autre. C’est une dyade. Le bébé n’existe pas sans sa mère (sauf exception s’il y a séparation physique évidemment, mais dans ce cas un autre être humain remplace la figure d’attachement que représente la mère et le bien-être de cette personne-là sera à nouveau indissociable du bien-être du bébé).

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N’oubliez pas, quand vous publiez vos recommandations pour le bien-être des enfants, que vous vous adressez sans doute à 95% à des mères, et à des mères vulnérables, qui font ce qu’elles peuvent pour accompagner leurs enfants, tout en vivant les transformations sidérantes du post-natal: le renvoi psychique à notre propre petite enfance, la dégestation du corps, la grosse claque de charge mentale et le slalom permanent entre toutes les injonctions qui entourent et encadrent la maternité. Elles sont souvent réveillées plusieurs fois par nuits pendant des semaines voire des mois, et passent au minimum 5h à allaiter leur bébé, temps auquel s’ajoute le change, l’habillage et les soins donnés à un ou plusieurs autres enfants. En plus de cela, un certain nombre des femmes qui vous lisent sont aussi celles qui vont préparer elles-mêmes tous les repas, avec des produits frais et bios, et faire elles-mêmes leur lessive, réduire leurs déchets, pour sauver la planète. Il y a de fortes chances pour que ces mères qui vous lisent aient laissé une belle partie de leur vie sociale de côté dans ce postnatal, de leur vie sportive, associative, militante, de leurs loisirs. Il y a de fortes chances que leur vie amoureuse et sexuelle aient quasiment disparues dans ce temps-là, et il est possible, voire probable, que comme beaucoup, elles tentent, parmi tout ça, de joindre les deux bouts, pour pouvoir offrir à leurs enfants un contexte matériel propice à une enfance harmonieuse.
Oui, il y a probablement une mère comme celle-là qui vous lit, qui n’a pas encore pu faire sa rééducation du périnée, qui apprend encore à apprivoiser son nouveau corps qui garde les traces de sa grossesse et de son enfantement. Vous vous adressez probablement majoritairement à des femmes vulnérables comme celle-là, c’est à comme beaucoup d’entre nous dans le post-natal, pour ne pas dire toutes. Alors, de grâce, prenez-le en compte.

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Donnez vos recommandations, vos conseils, vos astuces, et tous les outils bienveillants pour les enfants, mais s’il vous plaît, n’oubliez pas que, majoritairement, vous vous adressez à des mères qui font déjà tout ce qu’elles peuvent, et parfois au delà, et qui ont surtout besoin de se sentir entendues et rassurées dans leur maternité. Qu’on leur rappelle encore et encore de remplir d’abord leur propre réservoir. Au sens propre comme au sens figuré. Manger correctement. Dormir un minimum. S’hydrater. Voir des amies. Qu’on leur rappelle de revenir à ce qu’ELLES ont envie de vivre dans leur maternité. A ce qu’ELLES se sentent de mettre en place dans leur famille. Parce que si on ne prend pas ces précautions, on peut être sûr qu’on s’en va vers toujours plus d’épuisement maternel. Or la santé mentale et physique des mères a un impact direct sur la santé mentale et physique des enfants. Le nombre de dépression postnatales est effrayant (20% des femmes qui deviennent mères), et le suicide maternel est la première cause de mortalité des mères, aujourd’hui, en France, bien aavant les complications de la naissance.
Alors s’il vous plaît, vraiment, prenez soin de ce que vous partagez, car nous qui nous adressons aux mères, quel que soit notre rôle auprès d’elles, doulas, sages-femmes, pédiatres, puéricultrices, éducatrices de jeunes enfants, coach parentales… il me semble que nous avons une responsabilité auprès d’elles, celle de ne pas aggraver leur vulnérabilité. Celle de leur proposer des clefs non pas pour coller à notre image de la mère idéale, mais pour qu’elles puissent se connecter à leur propre force, à leur propre puissance. Pour qu’elles puissent être les meilleures mères possibles, humainement imparfaites, auprès de leurs enfants, avec les moyens qui sont à leur portée à l’instant T, qui sont souvent ceux du bord, et amenés à évoluer avec le temps.

Et si vous êtes une jeune maman, faîtes un pas de côté. Observez tout ce que vous êtes en train d’accomplir, juste là, aujourd’hui. Vous êtes en train d’élever l’humanité. Vous êtes en train de nourrir, protéger, renforcer, élever, l’humanité, en donnant peut-être plus que ce que vous avez vous-même reçu, car c’est souvent ainsi que cela fonctionne: nous voulons faire plus et mieux pour nos enfants. C’est normal, ce désir au fond de nos tripes, mais s’il vous plaît, prenez du repos, mangez, faites-vous couler un bain, voyez une amie. Votre bébé et vos bambins ont besoin de ça: d’une maman qui leur montre que prendre soin de soi, c’est ok. Que prendre soin de soi, c’est nécessaire. Et si vous ne pouvez pas le faire aujourd’hui, ne rajoutez pas cette culpabilité en plus sur la longue liste de tout ce que vous n’avez pas réussi à faire aujourd’hui. Faîtes un pas de côté. Vous donnez tellement plus que du lait, des couches et des compotes. Vous donnez de l’amour en barre. Vous êtes en train d’élever l’humanité, et vous êtes faîtes un boulot de folie, invisible et sur lequel tout le monde trouve à redire, sans jamais participer. Vous êtes une badass. Enveloppez-vous de douceur, car vous le méritez tellement, et vous en avez tellement besoin. Merci!

 

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