Cet article constitue les notes de l’épisode du Podcast de Kristelle n°131 – Les hommes et l’éducation non-violente
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disclaimer 1: quelle que soit la mise en contexte que l’on propose pour comprendre une situation parentale où l’autorité est à l’oeuvre, la priorité est de s’assurer de la sécurité de l’enfant, en s’interposant s’il le faut, ou en faisant un rappel à la loi (loi « anti-fessée » de 2019 qui interdit les violences physiques et psychiques faites aux enfants).
—> établir comme grande règle familiale : on ne tape pas les enfants.
disclaimer 2 : dans un épisode de podcast même un peu long, même bien réfléchi, on ne peut évidemment pas traiter des sujets aussi vastes que ceux de la paternité et des différences de points de vue éducatifs dans le couple de manière exhaustive, ni qui s’applique à toutes les situations. Ça reste une approche à la fois générale, à la fois singulière, un peu comme une photo d’un paysage : je vais parler à l’instant T, comme on prend la photo d’une montagne depuis un certain point de vue, et dans quelques mois ou quelques années, probablement que notre perspective, notre point de vue sur la montagne ne sera pas exactement le même. C’est ce qui rend nos sujets si passionnants : notre vision évolue avec le temps !
- On observe fréquemment la dynamique familiale suivante : la maman veut une éducation bienveillante, le père est plus autoritaire ; si c’est une généralité, c’est que c’est sociétal : ce ne sont pas nos conjoints ou ex-conjoints qui sont en soi des pères autoritaires (certains peuvent l’être + que d’autres) mais c’est la figure, l’archétype du père qui donne cette posture d’autorité
- Par ailleurs, on sait que même pour notre génération où l’éducation entre les filles et les garçons était quand même plus égalitaire que dans le passé, les filles sont toujours plus élevées dans une optique de gentillesse, douceur, bienveillance, gestion et compréhension des émotions, et les garçons vers l’activité physique, des formes de compétition, des émotions refoulées.
- C’est un peu schématique mais ça reste une réalité : l’étude « Gender Bias in Parental Speech to Infants », menée en 2017 par des chercheurs de l’Université de Sussex a montré que les parents tendent à utiliser un vocabulaire plus riche et plus varié lorsqu’ils s’adressent à des bébés filles par rapport à des bébés garçons.
- Ça commence donc dès le berceau et ça va se poursuivre toute la vie de la plupart des hommes : d’ailleurs, d’une certaine manière, par les jeux de poupées, les femmes sont très tôt préparées à la maternité, et elles entrent aussi souvent plus tôt que les hommes dans leur parentalité : elles portent leur bébé, le sentent bouger, sentent quand il a hoquet…
- Durant la grossesse : pour les pros et l’entourage, la femme est au centre et l’homme à la périphérie. Les pères doivent s’impliquer, mais la tendance générale est à leur laisser une place de second rôle après la mère et le bébé (certains pères ont juste un tabouret pour s’installer pendant la naissance, et leur fait sentir que leur sensibilité et leurs émotions, c’est du pipi de chat à côté de ce que vivent leur compagne (heureusement il y a aussi des pères qui sont très bien accompagnés!)).
- Au final, lorsqu’on arrive sur les questions d’éducation et de parentalité, on n’arrive pas avec une page blanche, ni les mères, ni les pères, on arrive avec un bagage personnel et un bagage que nous donne la société, sur la place et le rôle de chacun au sein de la famille.
- Et souvent les mères ont déjà beaucoup réfléchi à la façon dont elles veulent incarner ce rôle, tout simplement parce qu’on le leur demande souvent: est-ce que tu vas allaiter, est-ce que tu voudras la péridurale, est-ce que tu feras les couches lavables, la tétine, est-ce que tu vas reprendre le boulot à 3 mois, 6 mois, 9 mois, est-ce que tu vas faire du cododo, … les pros nous posent ces questions, notre famille nous les posent, nos amies, … mais aux hommes, on les leur pose très peu, voire jamais.
- Donc on ne part pas du même endroit et on va donc devoir accepter d’une certaine manière qu’on ne va pas au même rythme dans notre construction d’une parentalité à contre-courant de ce qui se fait dans notre société (cf épisode 130 avec Marion Cuerq sur les droits des enfants) : c’est déjà aller à contre-courant pour les femmes que d’essayer d’éduquer ses enfants sans violence, parce que ça va à l’encontre de notre regard social sur l’enfant que l’on doit contrôler et dominer d’une certaine manière, mais en plus, pour les hommes, ça va aussi à l’encontre de tout ce qui est attendu d’eux dans la société : faire preuve de plus de douceur, d’empathie, d’accueillir ses émotions et celles de son enfant, ralentir le rythme, valoriser ce qui se passe dans la maison, les petites choses du quotidien, etc…
- A échelle sociétale, qu’est-ce qu’on peut faire : militer pour un congé paternité de 3 mois, après le congé maternité ! Deux études démontrent qu’un congé paternité plus long, durant lequel c’est le père qui a la charge de l’enfant permet de faire baisser les violences familiales ! L’une des études importantes sur ce sujet est intitulée « Fathers’ Parental Leave and Family Health: Evidence from Sweden », publiée en 2018 par des chercheurs du Swedish Institute for Social Research (SOFI) à l’Université de Stockholm. Cette étude a trouvé que l’augmentation du congé de paternité est associée à une réduction de la violence domestique et à une amélioration de la santé familiale. L’autre étude pertinente est « Parental Leave Policies and Parents’ Well-being: Evidence from a European Survey », datant de 2019, qui examine les effets des politiques de congé parental en Europe et montre que les congés de paternité plus longs peuvent être liés à une diminution des conflits familiaux et des comportements violents.
- Maintenant qu’on a dit tout ça, on ne va évidemment pas se contenter de dire que ce n’est pas la faute des hommes s’ils sont autoritaires, et que puisque c’est sociétal et éducatif, on ne peut rien y faire et on a qu’à s’accommoder de cette réalité.
Quelques pistes pour avancer :
- Veiller à l’équilibre entre casquette parent doudou/figure d’attachement vs. casquette parent éducateur qui pose le cadre et le fait respecter, car si je suis uniquement dans ma casquette de parent/doudou, je renforce la casquette de parent éducateur de mon ou ma partenaire, et c’est un cercle vicieux puisque son positionnement va renforcer le mien, par effet compensatoire.
- Mettre en lumière la dimension autoritaire et ce qu’elle produit : de la soumission. Poser ce mot vient parfois provoquer un déclic, parce que beaucoup d’hommes ne veulent pas reproduire ou créer ce rapport de domination avec leurs enfants. Soumission ou coopération, rappeler que c’est nous, en tant que parent, qui créons cette dynamique dans la famille.
- Garder son cap : en créant un rapport non-violent avec nos enfants, nos partenaires nous voient faire et on crée une culture familiale où cette réalité existe.
- Définir nos limites et nos priorités personnelles et inviter nos partenaires à faire de même, c’est important d’en discuter à froid (je propose un support sous forme de journaling des 3 priorités dans Colère, je garde mon calme)
- Installer dans la maison des affiches sur les sujets qui nous tiennent à coeur : sur les droits des enfants, sur ce que vous avez envie de créer comme culture familiale, sur les points sur lesquels vous réfléchissez de votre côté (certaines mamans me disent qu’elles affichent les fiches mémo de Colère, je garde mon calme dans la cuisine ou les toilettes pour en faire profiter leur partenaire !). Ça permet de s’en imprégner sans faire d’effort.
- S’offrir du relai quand on sent que notre partenaire est arrivé au bout de son réservoir de patience. (disclaimer : pas facile parce qu’on aurait besoin d’être + de 2 pour prendre soin des enfants)
- réguler notre système nerveux :
– temps en nature
– temps avec des gens qu’on aime, famille, ami
– activité sportive
– activité créative (musique entre amis)
– méditation
– exercice de respiration
- Trouver et partager des représentations de paternités non-violentes
– personnalités instagram :
samuel clos ;
papa plume ;
papatriarcat :
vieux machin bidule publique
- des hommes plus âgés qui ont réfléchi sur ces sujets :
Thomas d’Ansembourg,
Boris Cyrulnik
- podcast : histoire de darons
- et plus largement, des hommes qui parlent d’empathie, d’intelligence émotionnelle
—> c’est bête, mais tant qu’on partage aux hommes des ressources créées par les femmes sur la gestion des émotions, l’éducation, le droit des enfants, la santé mentale et le bien-être, et bien ça reste des sujets de femmes, souvent abordés avec des codes féminins, dès lors qu’on peut partager sur ces sujets avec des ressources créés par les hommes, même de manière subtile ça envoie le message que les hommes peuvent s’approprier ces sujets, et les aborder depuis leurs perspectives singulières, et les traiter avec leurs codes singuliers. cf. comme quand on observe par exemple que dans le monde politique il y a une sur-présentation des hommes, ça envoie le message aux femmes que ce n’est pas forcément leur place.
- Faire la distinction entre le couple parental et le couple conjugal pour éviter les reports de problématique d’une sphère à l’autre ; se donner du temps aussi pour le couple conjugal, en prendre soin, le nourrir (je sais que ce n’est pas facile, et vraiment pas la priorité dans les 2ères années de vie de nos enfants, mais si vous sentez que ça peut aider, c’est précieux de prendre un peu plus temps pour ça)
- disclaimer : tout ça c’est dans l’idéal, bien sûr on ne peut pas tout faire, tout en même temps, mais mettre des choses en place petit à petit ;
- et ici, pour finir, j’aimerais dire une chose pour les hommes qui peut-être nous écoute, et un message que toutes les femmes pourraient faire passer aux hommes : emparez-vous de ces sujets s’ils vous parlent, et partagez avec d’autres hommes. C’est épuisant pour les femmes de non-seulement être la personne qui va essayer de réguler les émotions de tout le monde dans la famille, ET qui va aussi se former en permanence avec des livres, des podcasts, des comptes insta, pour essayer de créer une culture familiale bienveillante et positive, ET qui va aussi mettre de l’énergie à former son partenaire pour ne pas être la seule à ramer dans cette direction. Tout ça, ça s’appelle la charge émotionnelle, et c’est très lourd à porter au quotidien. Les jeunes humains ont besoin de co-régulation de leurs émotions et de leur système nerveux, c’est comme ça qu’on fonctionne en tant qu’être humain, même à l’âge adulte, mais par contre aucun adulte n’est fait pour être l’unique personne qui prend en charge cette régulation et le bien-être psycho-affectif d’un enfant, pas même sa mère. On est fait pour élever nos enfants en tribus, et cette co-régulation est censée se faire avec plusieurs adultes impliqués, pas juste la mère, et le père de temps en temps, quand il est bien luné, disponible physiquement et mentalement. C’est un peu dur ce que je dis, mais on a vraiment besoin que les hommes s’impliquent dans cette charge émotionnelle, et entraînent avec eux les autres hommes. Ça ne peut pas rester le job des femmes, d’autant plus que nos enfants grandissent aussi avec nos modèles et tant que ce sont les mères qui prennent ça en charge, et bien on n’avancera pas, de génération en génération ! Donc messieurs, en avant pour développer votre empathie, apprendre à vous mettre à hauteur d’enfant, et faire équipe avec votre partenaire dans cette direction (ce qui ne veut pas dire être forcément d’accord sur tout !)
Pour aller plus loin 🌿
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